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« A la rencontre des Français » : le « député marcheur » Jean Lassalle face à la colère et à la détresse

Sud Ouest, 12 janvier 2015

Le député béarnais livre enfin le récit de sa longue marche tant médiatisée, en 2013, dans un recueil où il raconte avoir parfois eu très chaud.

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Jean Lassalle a tiré une somme de témoignages qu’il restitue à travers un récit entremêlé de ses réflexions.

Dans son livre « À la rencontre des français », Jean Lassalle recueille coup sur coup les états d’âme d’un général de gendarmerie au bord de la démission et confesse un archevêque se demandant à quoi bon dire la messe, pour des gens qui « n’impriment plus rien ».

Au hasard de son périple de huit mois, le député marcheur – c’est ainsi qu’il était le plus souvent identifié par ses interlocuteurs de rencontre – est aussi tombé sur un caïd de cité plus que menaçant : « Tu ne sortiras pas d’ici. » Très vite, ce vrai méchant, sous ses propres yeux, va échapper à la rafale de fusil-mitrailleur que lui destine un cafetier, encouragé par sa compagne en ces termes : « Cette fois, ne le rate pas »… Par chance, le bistrotier, qui tremble, ne parvient pas à armer le chargeur.

Une scène de cinéma, convient Jean Lassalle, éclairant le contexte : le fils du couple rendu quadraplégique, une nuit où le café a été mis à sac. « J’ai vécu des moments de très grande tension », confie l’auteur. Sans forfanterie. « Si tu as peur, il faut faire demi-tour immédiatement. Sinon, le sentiment de peur se mêle au sentiment d’agressivité et tu es cuit. »

Noir, très noir

On reste parfois incrédule à la lecture de ce qui constituerait un roman, noir, très noir, s’il n’était peuplé d’un échantillonnage d’humanité qu’on n’invente pas. De très nombreux « destins obscurs », hommes et femmes broyés par la crise. De vrais gens. Tel, entre mille autres, ce « pauvre » betteravier du Nord – 450 hectares – se jugeant indigne de son pays parce qu’il n’a pas su transmettre l’exploitation agricole à l’un de ses trois fils, dont l’un a préféré un précaire CDD en ville.

Car ce n’est pas seulement la misère matérielle que, au jour le jour, au fil de ses 5 000 km accomplis à pied, du 10 avril au 14 décembre 2013, le député des Basques et des Béarnais a côtoyé durant sa longue marche. Et ce n’est plus seulement la classe politique qui est rejetée dans ce pays, comme Jean Lassalle nous l’avait déjà largement décrit dans ses deux précédents opus. Ce sont tous les « sachants », ceux qui savent ou sont supposés savoir. On franchit un degré de plus dans l’acculturation dans ce coin de banlieue où, comme Jean Lassalle le fait raconter à un moniteur d’auto-école, le livre est vomi en tant qu’objet. Plus question pour cet homme, au demeurant cultivé, d’enseigner le Code de la route autrement que par l’image !

Le ton retrouvé

De cette « France en déshérence », si loin de la sociabilité de Lourdios-Ichère, Jean Lassalle a tiré une somme de témoignages qu’il restitue à travers un récit entremêlé de ses réflexions.

Quant à l’écriture, la surprise est de taille : cette fois, l’élu aspois a trouvé son style et son ton. La plume n’est plus endimanchée comme pour la fête votive, elle court, elle court, impétueuse comme le gave d’Aspe. En fait et au risque de rompre le charme, Jean Lassalle avoue ne pas écrire lui-même : il dicte. Alors disons qu’il dicte bien, lui qu’on sait depuis toujours excellent à l’oral…

« Je suis resté en rapport avec ceux dont les témoignages sont les plus bouleversants. Dans mon livre, j’ai voulu en faire un condensé en six chapitres thématiques ; c’est ce qui m’a pris énormément de temps. »

Cahiers de l’espoir

L’ouvrage est disponible dès à présent. Jean Lassalle souhaite le prolonger « en essayant d’animer une réflexion hors partis ». Pour lui, « l’explosion peut se produire à tout moment et dans des proportions très graves. Des préfets, des hauts magistrats le disent en des termes qui vont bien au-delà de ce que j’ai traduit moi-même ».

Cependant, ajoute le parlementaire hors norme, « je voulais aussi que cette marche soit axée sur l’espoir ». D’où ces Cahiers de l’espoir, à la mise en œuvre desquels s’est investie la petite troupe qui a assisté le député. Sur la base des fameux cahiers de doléances prérévolutionnaires. « Les gens, une fois parvenus au bout de leur colère, il y a un moment où ils disent : Qu’est-ce qu’on fait ? »

A lire : « À la rencontre des français », de Jean Lassalle, aux Éditions Cherche-Midi. 318 pages, 17 euros. Sortie en librairie le 15 janvier.

 

 

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