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Face au chômage, la France ignore superbement ce que font ses voisins

Le Huffington Post, 14 avril 2015

Tribune de Robert Rochefort

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EMPLOI – La nouvelle hausse du chômage en février est évidemment une mauvaise nouvelle mais ce n’est guère une surprise. Elle l’est d’autant plus qu’elle démarque notre pays de ses voisins. Chez eux, cela va mieux, alors que cela continue à s’aggraver en France.

La France est le seul grand pays de la zone euro où le chômage continue à progresser. D’après l’Office européen des statistiques, en ce début 2015, elle ne détient ce triste privilège qu’avec Chypre et la Finlande.

En un an -de janvier 2014 à janvier 2015- le nombre de chômeurs a reculé de 896 000 personnes dans la zone euro et il a progressé de 160 000 en France.

Les pauvres arguments de communication du gouvernement ne tiennent pas car si l’on regarde le total des chômeurs toutes catégories confondues, celui-ci n’a même pas connu de légère décrue en janvier dernier. Et en ce qui concerne le taux de chômage lui-même, il est parmi les plus hauts au sein de l’OCDE, pourtant tous confrontés, à peu près, à la même crise.

Si l’on croit à l’Europe, si l’on pense qu’entre les pays qui la composent, au-delà des différences culturelles, il y a une communauté de destin, une confrontation aux mêmes défis que sont la mondialisation, l’accélération des innovations, la nécessaire formation continue des travailleurs, et le maintien d’un haut niveau de solidarité, alors il faut se demander pourquoi c’est pire chez nous que juste à côté de chez nous.

La réponse est simple, les autres pays engagent des réformes de structure tentant de réels changements et pas nous. Ils ont les yeux ouverts sur la réalité du monde, ils comprennent que la compétition est rude et qu’elle va encore s’accélérer. Ils évacuent les tentations de l’immobilisme ou du repli sur soi.

Il est donc plus que temps de regarder ce qui est engagé autour de nous, d’en faire une juste évaluation, y compris critique, pour s’en inspirer lorsque les résultats sont au rendez-vous. Dans le langage des entreprises, on appelle cela « le benchmarking ». Ce mot n’est pas beau mais la nécessité et l’efficacité de la démarche ont fait leurs preuves.

Esquissons un petit tour d’Europe pour entamer l’exercice. Commençons par l’Italie avec à sa tête Matteo Renzi, l’ami de nos dirigeants actuels. Le job act italien instaure le contrat de travail unique avec des droits qui progressent en fonction de l’ancienneté. Les chômeurs qui refusent plusieurs propositions de l’agence pour l’emploi voient leurs indemnités réduites.

En Espagne, le plus durement frappé de nos États mitoyens depuis le début de la crise, au-delà d’une baisse sévère des salaires, les négociations sociales se font désormais au niveau des entreprises c’est-à-dire au plus près du terrain, plutôt qu’à celui des conventions collectives nationales, l’embauche des jeunes et des séniors bénéficie de mesures incitatives et les indemnités de licenciement sont calculées différemment par le passé.

Au Portugal, la durée du travail a été augmentée ainsi que celle de la période d’essai et 4 jours fériés ont été supprimés. En Grande-Bretagne, le travail à temps partiel et le statut d’auto-entrepreneur ont connu de très fortes progressions quitte à ce que l’État ait dû accompagner cette progression avec des allocations complémentaires d’assistance.

En Irlande, brutalement passée du plein emploi au chômage de masse, s’est ajouté à des mesures communes aux pays déjà cités un effort particulier en matière de formation pour adapter la main d’œuvre au besoin des entreprises.

Et bien sûr, il y a l’Allemagne qui a commencé avant les autres. Dès le début des années 2000, Gerhard Schröder a introduit de la flexibilité dans le marché du travail. Il a multiplié les temps partiels presque sans charges sociales et il a développé les mini jobs, justement critiqués par ailleurs. Récemment, la coalition au pouvoir a imposé grâce au SPD un Smic qui est entré en vigueur au début de cette année et c’est une bonne chose. L’Italie lui emboite le pas et ce sont désormais 22 États membres sur 28 dans l’Union qui en sont pourvus.

Soyons clair, aucune de ces formules n’est parfaite, mais la France ne peut rester dans une position qui consiste à toutes les refuser tout en se retrouvant la lanterne rouge du train européen de l’emploi. Elle doit les combiner intelligemment, les adapter lorsque cela est possible. À cet égard, mettre en place le contrat unique de travail et en contrepartie, affecter une part bien plus importante du budget de la formation professionnelle à la reconversion effective des chômeurs pourrait être sa façon d’introduire de la flexi-sécurité.

Car malgré la loi récente, la formation professionnelle reste un chantier prioritaire si l’on veut combiner enfin efficacité et solidarité, c’est-à-dire consacrer les moyens qu’il faut à endiguer le chômage de longue durée qui ne cesse de progresser avec à la clef la désocialisation, la pauvreté et la misère. Nous abusons trop de fausses réformes, de lois qui prétendent tout changer et qui -sans être inutiles- restent à la périphérie des sujets en ne s’attaquant jamais aux blocages essentiels.

C’est le cas de la loi Macron et il en sera certainement de même pour la future loi Rebsamen. Nous sommes hypocrites en feignant de penser que la sanctuarisation de notre droit du travail protège les plus faibles car c’est l’inverse qui se produit en les laissant durablement sur le côté de la route de l’emploi et donc de l’insertion dans la société.

La baisse simultanée du prix du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt constitue un climat propice à la reprise dont on ne tirera les bénéfices qu’à condition de nous moderniser pour de bon. Sans cela, nos voisins continueront à aller mieux et notre pays à se dégrader face à eux.

 

 

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