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« La décision de François Bayrou peut changer durablement la vie politique française »

main_Article_MdS_MatinaleCanalMarielle de Sarnez était ce soir, mercredi 22 février, l’invitée de Ruth Elkrief sur BFM TV. La vice-présidente du Mouvement Démocrate a estimé que François Bayrou avait eu « l’attitude d’un homme d’Etat » en proposant une alliance à Emmanuel Macron.

Bonsoir Marielle de Sarnez. François Bayrou a offert une alliance à Emmanuel Macron, qui l’a acceptée. Le mariage va être consommé. Cette décision, elle a été prise quand ?

Je dirais il y a une quinzaine de jours. Mais je pense que la conviction intime de François Bayrou, depuis longtemps, vu l’état de la France et même de l’Europe et du monde, c’était que des rassemblements sont justifiés dans ces périodes difficiles. Le chacun pour soi est quelque chose qu’il ne faut pas faire, pas plus à l’intérieur de la France qu’en Europe.

Il n’a vraiment jamais pensé à une candidature personnelle ?

Il y a toujours eu les deux hypothèses : une candidature personnelle, et en même temps la voie du rassemblement – c’est pourquoi nous avions soutenu Alain Juppé. Mais c’est François Fillon qui l’a emporté, avec un projet qui n’était pas le nôtre, qui n’était pas pour nous au point d’équilibre des Français, François Bayrou s’est posé toutes ces questions. Mais au fond, il y a une résonance avec Emmanuel Macron. Emmanuel Macron a une intuition, et une approche qui est qu’il faut dépasser ces clivages. Tout ce qui bloque la vie politique française, cette espèce de bipolarisation de la droite contre la gauche, c’est exactement ce que François Bayrou avait essayé de dépasser en 2007, presque réussi à faire, mais pas complètement. Tout ça s’inscrit dans une approche qui est une approche commune.

Un accord conclu il y a quinze jours d’accord, mais un petit peu avant, en septembre, en décembre 2016, je vois une série de tweets absolument assassins de François Bayrou contre Emmanuel Macron, notamment sur ses intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité de la fonction publique.

C’est exactement pourquoi François Bayrou a proposé une alliance à Emmanuel Macron, François Bayrou porte dans le cadre de cette alliance quatre exigences, et la première d’entre elles, c’est qu’enfin on fasse une loi de moralisation de la vie politique et publique française. Et je trouve que c’est donc tout à fait à propos, il faut qu’on règle la question des conflits d’intérêts, et qu’on sépare définitivement ce qui est la vie politique d’un côté, et les intérêts financiers de l’autre. Je dis au passage qu’Emmanuel Macron a accepté, et que dans sa réponse, qu’il a publiée sur Facebook il y a quelques minutes, il dit qu’il fait siennes les quatre propositions de François Bayrou, donc je trouve que c’est très bien.

Il a dit que les programmes économiques de François Fillon et Emmanuel Macron présentent beaucoup de similitudes, qu’il ne se reconnaissait pas dans ce qu’Emmanuel Macron incarnait. Il a aussi dit que son projet de société était proche de celui de Nicolas Sarkozy. Mais le miracle s’est fait ?

Miracle, ce n’est pas un mot que j’utiliserais. Mais je pense que nous sommes à un moment de la vie politique française qui est crucial. Moi, je crois que c’est un moment historique. On a deux partis qui cannibalisent la vie politique française depuis maintenant quarante ans, anciennement RPR et les socialistes. Avec le succès qu’on voit, c’est-à-dire de plus en plus de Français qui se détournent de la vie politique, qui n’ont plus confiance en leurs responsables politiques, on voit de la colère, de l’indifférence, des votes extrêmes qui grossissent, et nous disons depuis longtemps qu’il faut que ça change. Il faut tourner la page sur tout ça, il faut offrir une voie nouvelle, et c’est exactement ce que nous voulons faire.

Pour en finir avec l’idée de la candidature, est-ce que ce n’est pas aussi tout simplement parce qu’il n’avait pas les moyens financiers, humains, et peut-être sondagiers ? Parce qu’il était à 6%.

C’était le seul qui n’était pas candidat de tous ceux qui étaient testés, donc je pense que quand vous n’êtes pas candidat et que vous êtes à 6%, c’est quand même pas mal, c’est intéressant. Je crois que François Bayrou ferait un président de la République formidable, je n’en doute absolument pas. Il a dit lui-même qu’il était à maturité, il a fait un très bon livre, Résolution française, qui est un livre optimiste sur le pays, qui dit qu’on peut s’en sortir.

Donc il ne sera pas président de la République, puisqu’il ne sera pas candidat. Il sera quoi, premier ministre ? Président de l’Assemblée nationale ?

Il a dit tout à l’heure qu’il n’était pas question de faire un ticket. Il y a un seul président de la République, et c’est bien comme ça. Il n’y a pas de ticket en France, et c’est très bien comme ça. Je trouve que François a eu une attitude qui l’honore, c’est une attitude d’homme d’état, même s’il a des envies, et qu’il a parfois eu envie d’y aller.

Il a dit quatre fois sacrifices.

Il a dit abnégation, c’est exactement ce sens-là, mais qui sait aussi que nous sommes dans un moment où il faut unir nos forces, et c’est extrêmement important, et c’est ça qu’il a décidé de proposer à Emmanuel Macron.

Est-ce qu’il ne va pas jouer le tuteur d’Emmanuel Macron ? Déjà sur le crime contre l’humanité, il l’a repris, ce qui a été le cas de beaucoup de gens, mais sur d’autres de ces questions, est-ce qu’il ne va pas être derrière lui à lui dire « là ça ne va pas, là ça va… » ?

Non, mais si on avait enfin une vie politique digne de ce nom, comme dans les autres démocraties, on aurait des hommes publics, des hommes politiques qui diraient quand ils ont des différences. A quoi ça sert d’avoir ces partis où soit disant tout le monde est d’accord, mais où tout le monde en réalité se déteste ? Pardon, mais c’est très important pour la démocratie française, pour la faire respirer, pour offrir une perspective aux Français qui n’en peuvent plus depuis trente ou quarante ans, de dire quand vous avez des points de désaccord ou des différences. Oui, la déclaration de la colonisation, François Bayrou non seulement ne s’y reconnaît pas, mais il est en désaccord et il le lui a dit. Mais c’est très sain, c’est un débat démocratique. Heureusement qu’on peut se mettre d’accord sur l’essentiel, on peut proposer, on peut former demain je l’espère une majorité parce que j’espère qu’Emmanuel Macron va gagner, tout en ayant des différences, et c’est la vie.

D’accord, donc Emmanuel Macron gagnerait, et François Bayrou aurait des députés, il jouerait quel rôle ?

La question c’est est-ce que nous mettons toutes les chances de notre côté pour que cette offre politique nouvelle prospère. Pour qu’enfin les Français se détournent du « je reste chez moi et je ne veux plus voter », « je suis en colère donc je vais voir les extrêmes »… Toute la campagne présidentielle, sur quoi elle tournait jusqu’à aujourd’hui ? Marine Le Pen est en tête au premier tour, dix points devant le second, au deuxième tour elle y est forcément. Il faut qu’on arrête avec tout ça, ma vie toute entière ce n’est pas simplement de faire barrage à Mme Le Pen. C’est au contraire de donner de l’espoir aux Français, pour que le score de Mme Le Pen baisse. Ce n’est pas faire barrage. Il faut être en capacité de rassembler le plus de Français possible pour qu’on ait de quoi croire, redonner de l’espoir.

Là-dessus, on voit que Marine Le Pen recueille un fort vote populaire. 40% des ouvriers votent Marine Le Pen. Est-ce qu’Emmanuel Macron, qui parle davantage à des catégories sociales supérieures, est-ce que Macron et Bayrou ne vont pas être les gagnants de la mondialisation, les couches supérieures qui sont pro-européennes et intégrées dans la mondialisation, face à des classes populaires qui se sentent exclues et qui rejettent l’Europe telle qu’elle est ?

Une campagne présidentielle, par définition, s’adresse à l’ensemble des Français. Par définition, on dit à l’ensemble des Français qu’on veut avancer ensemble, on veut construire ensemble, vous donnez une perspective à tous les Français.

Qu’est-ce qu’il apporte à Emmanuel Macron, François Bayrou ?

Dans les quatre exigences qu’il a mises au cœur, il a dit qu’il ne voulait pas d’un monde dans lequel les inégalités ne cessent de croître. Il ne veut pas d’un monde et d’une société dans lesquels la valeur travail est déconsidérée. Il veut que la valeur travail soit centrale. Et il a bien raison, et Emmanuel Macron est exactement sur la même ligne puisqu’il a dit qu’il approuvait, et qu’il mettrait cette question fondamentale des inégalités dans son programme. Il ne veut pas non plus la croissance sans fin des inégalités. Donc une campagne présidentielle c’est s’adresser à tout le monde, c’est ce qu’Emmanuel Macron va faire dans les semaines qui viennent.

Est-ce qu’ils vont faire des meetings ensemble ?

Non, je ne sais pas, on verra. Il y a un candidat à l’élection présidentielle, il s’appelle Emmanuel Macron. Et je trouve que ce que François Bayrou fait, non seulement ça l’honore, je vous l’ai dit, mais ça peut aussi changer durablement la vie politique en France. Je pense que les Français, et d’ailleurs moi, nous n’en pouvons plus de ces deux partis qui cannibalisent la vie politique française, et qui quinquennat après quinquennat, déçoivent les attentes et les aspirations des Français. Il faut que ça change. Je veux une rupture, je veux une alternance claire, je ne veux pas du recyclage, de ce qui se passait hier. Je veux un espoir nouveau pour les Français.

Concrètement, qu’est-ce qui va se passer ?

Ils vont se voir demain, ça c’est le premier rendez-vous, et vous en serez informés avec sûrement une déclaration à la sortie.

 

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