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« La litanie de mesures ne fait pas une politique » Marielle de Sarnez

Invitée de la matinale de LCP, Marielle de Sarnez a estimé que la prestation du chef de l’État hier soir sur France 2 n’avait pas été convaincante. « Quand François Hollande dit que la France va bien, c’est un décalage énorme avec la réalité » a déclaré la vice-présidente du MoDem.

Bonjour Marielle de Sarnez.

Bonjour.

Vous avez écouté François Hollande hier. Est-ce qu’il vous a semblé convaincant ?

Non, non, pas du tout. Je suis comme tous les Français qui l’ont regardé. Qu’a-t-il fait ? Il a rappelé des mesures, des mesures et des mesures qu’il a prises et moi je pense que l’addition de mesures ou la litanie de mesures ne fait pas une politique ni une vision. Deuxième point : quand il dit que la France va bien, c’est un décalage mais tellement énorme que l’on se demande si c’est une bulle complète à l’Élysée ou bien si c’est parce que c’est de la méthode Coué… Troisième point : ce n’est pas comme cela que l’on entraine un pays. On entraine un pays en lui disant où l’on veut aller or il n’a rien tracé du tout. Si, il a tracé une seule chose quand il a dit « je prendrai ma décision en fin d’année » et ce que l’on a vu tout au long de l’émission c’est qu’il était évidemment candidat à sa propre succession. Un pays a besoin d’être entraîné, a besoin que l’on parle à son âme, à son coeur, que l’on dise des choses lourdes. Rien de tout cela n’était au rendez-vous hier soir, c’est un peu triste.

La loi travail, la loi égalité-citoyenneté, ce ne sont pas des gros rendez-vous pour vous ?

Non, je pense qu’il faut réformer le code du travail et qu’on aurait pu le faire depuis le début du mandat. Aujourd’hui la loi travail fait 151 pages ! Qui peut y comprendre quelque chose ? Ce n’est pas comme cela que l’on dirige un pays, c’est avec des grands axes, des orientations, c’est en hiérarchisant les choses : notre éducation, notre activité économique, on n’a pas trouvé cela hier soir. Ce que l’on a trouvé, c’est un président de la République qui veut se réimposer sur sa gauche.

Il a lancé un appel à gauche, un signal assez fort pour la convaincre ?

Hier, il n’avait à la bouche que le terme « je suis là pour préserver le modèle social français ». C’est une question mais ce n’est pas la seule que nous avons à traiter. Oui, j’ai eu le sentiment qu’il parlait plutôt à sa gauche en disant « vous voyez, je suis en train de préparer mes argumentaires de campagne ».

Est-ce que François Hollande est juste et son bilan cohérent comme l’affirme Stéphane Le Foll ?

Stéphane Le Foll est bien obligé de dire cela, mais quand il dit « il a été formidable y compris sur l’éducation nationale », est-ce que vous trouvez qu’aujourd’hui l’école va mieux ? Vous trouvez que tous ces jeunes qui passent aujourd’hui en sixième sans maitriser la lecture et l’écriture, que l’on retrouve dans un collège complètement paumés et qui peuvent aller pour quelques-uns dans la violence et pour d’autres malheureusement dans le chômage, pensez-vous que là une bonne réponse a été apportée ?

S’est-il trompé dans ses priorités ?

Bien sûr ! La priorité n’était pas de dire « je vais créer 60.000 postes », cela ne fait pas une politique ! La seule politique qu’il faudrait faire pour l’école c’est recentrer les moyens constants sur le primaire, le premier degré, c’est comme cela que l’on donnera sa chance à chaque enfant de France ! En lui apprenant à lire, à écrire et à maitriser ses fondamentaux ! Cela n’a pas été fait.

A-t-il fait une erreur de diagnostic François Hollande sur l’état de la France ?

Le problème numéro un du pays est l’activité économique du pays. La responsabilité du président de la République et du gouvernement doit aller dans le sens d’un soutien à l’activité économique du pays, d’un soutien à l’investissement, d’un soutien aux entreprises, en l’assumant avec une simplification, avec une cohérence dans le temps, avec des règles qui ne changent pas tous les jours… On voit bien qu’il y a une énergie formidable dans la société française et on a l’impression que les gouvernants sont plutôt auto-bloquants que poussant cette énergie. C’est cela qui ne va pas dans le bon sens.

Peut-il se représenter François Hollande en 2017 et être réélu ?

Je pense qu’il veut se représenter.

Vous soutenez Alain Juppé dans la primaire de la droite. Pourquoi ne pas soutenir Jean Lassalle, lui aussi candidat à la présidentielle et issu du MoDem ?

On va essayer de regarder les choses avec sérieux. On est dans un moment où j’ai le sentiment que les gens perdent des repères, certains posent dans Paris Match, d’autres je ne sais quoi… On est quand même dans un temps dans lequel les défis sont terribles : défis économiques et sociaux, terrorisme, défis européens… Tout cela est lourd et en face il faut un peu de raison, un peu de bon sens, un peu de réflexion… Alain Juppé est intéressant. Pourquoi ? La question de la gouvernance du pays ne se résume pas aux hommes. C’est le seul qui a annoncé que s’il était élu, il ferait différemment. Il gouvernerait avec une majorité large ! Il ferait bouger les lignes ! Il serait le président qui essaierait de construire une majorité nouvelle. Une majorité plus large. Je crois profondément que depuis des décennies qu’un des problèmes du pays c’est bien celui là. C’est à dire cet espèce d’affrontement pré inscrit entre droite et gauche, avant chaque élection présidentielle, qui se répète éternellement et qui fait que nous n’avons aucune capacité à gouverner, à changer les choses. Or, il faut retrouver de l’efficacité dans l’action public, et moi je trouve que de ce point vue la manière dont pense la gouvernance Alain Juppé est une très bonne chose.

Pourquoi François Bayrou ne se représente pas à l’élection présidentielle?

Je trouve que c’est bien dans un moment difficile pour le pays de dire qu’on est en capacité de soutenir quelqu’un qui n’appartient pas à notre famille politique. Si Alain Juppé sort vainqueur des primaires, ce que je souhaite, nous le soutiendrons, pleinement. Et nous essayerons de construire avec lui cette majorité nouvelle dont le pays a terriblement besoin, et qui ne soit pas une majorité, au fond, vous voyez bien, caricaturale comme les dernières majorités. C’est extrêmement important. Si il n’était pas choisi par la primaire à ce moment là nous l’avons dit nous serons libres.

Est ce qu’il n’y a pas le risque que le MoDem soit noyé au sein du parti les Républicains?

Non, aucun risque. Nous sommes ce que nous sommes, François Bayrou est ce qu’il est, et la confiance que les français nous témoignent aujourd’hui dans les sondages nous encourage de ce point de vue la. Ce qu’il faut c’est que cette présidentielle soit utile. Arrêtons de penser simplement. Moi je suis quelqu’un qui aime la politique, qui aime les partis politiques. Mais franchement, il faut être en capacité de dépasser les attitudes partisanes.  Ce qui fait du mal, c’est d’avoir des gens qui sont dans des attitudes partisanes en permanence, les gouvernants, le Président de la République, c’est pas cela normalement les institutions de la France, on doit dépasser les intérêts partisans pour aller vers l’intérêt général. En tout cas, nous c’est ce que nous allons pousser.

Dans la revue Charb, François Bayrou a avoué qu’il pourrait travailler avec Manuel Valls ou plus surprenant avec Jean Luc Mélenchon. C’est large quand même…

J’ai lu cette interview, c’est d’ailleurs une bonne interview qui est sur le fond. Je trouve ça d’ailleurs intéressant. Il a dit qu’au fond il avait d’estime, du respect pour Mélenchon, il n’a pas dit je pourrais gouverner avec Mélenchon. La vérité c’est qu’il faut des majorités larges, on voit bien qu’il n’y a pas énormément de différences entre une droite républicaine réformiste, un centre qui veut aussi faire bouger les choses pour le pays, pas la réforme pour la réforme mais pour le progrès, et des sociaux démocrates qui devraient vraiment s’assumer, s’affirmer. Ça va être cela l’enjeu des prochaines élections.

Alors vous, Marielle de Sarnez, vous êtes députée européenne,, vous étiez donc hier au Parlement Européen pour le vote du PNR, ce fichier de transmissions des données personnelles des compagnies aériennes. Cinq ans que ça traine ce dossier, ça y est il est enfin voté? C’est la solution pour mieux lutter contre le terrorisme?

Si je vous disais qu’il y a une solution miracle pour lutter contre le terrorisme en Europe, je vous raconterais des histoires et des blagues. Moi, je décide d’être sérieuse, nous sommes en responsabilité et nous sommes responsables. Non, c’est un des instruments dont on devait se doter. Maintenant, ce PNR il va falloir l’améliorer. Aujourd’hui on va avoir 28 PNR . C’est à dire chaque état membre va avoir la gestion du fichier passager, qui existe aujourd’hui puisque les compagnies aériennes les ont, mais là ceux sont les états membres qui vont l’avoir. Je pense qu’il va falloir ,à terme, ce qu’on appelle un PNR européen, l’obligation de transmission des données au niveau européen pour être plus efficaces.

Deuxièmement il va falloir un certains nombres d’autres mesures, il faut harmoniser ce qu’on appelle terrorisme, il n’y a pas d’harmonisation de la dénomination de terrorisme dans l’ensemble des états membres. Il faut améliorer encore la coopération, renforcer ce qu’on appelle Europol peut être créer un FBI européen. Il faut renforcer Eurojust, créer un fichier européen des djihadistes, qui n’existe pas aujourd’hui, un fichier de ceux qui partent combattre à l’étranger et de ceux qui reviennent. Il faut tout faire pour améliorer la collaboration et la coopération entre les services de renseignements.

Il y a eu deux textes qui ont été adoptés en parallèle, l’un pour garantir le droit des citoyens, l’autre justement pour harmoniser les règles de coopération policière. C’était les conditions sine qua non?

Certains au Parlement Européen on souhaitait que ce texte, le PNR européen, soit adopté le même jour qu’on adopte une loi qui protège les libertés publiques. Je pense que c’est bien, ça va dans le bon sens. Si cela n’avait tenu qu’à moi on aurait voté le PNR plus tôt. J’aurais souhaité vraiment qu’on le vote plus tôt…

On accuse les députés européens de bloquer le vote de ce texte?

Vous savez quand les textes ne passent pas, ce n’est pas seulement le Parlement européen, c’est le Parlement Européen, le Conseil, et la Commission. Si chacun y avait mis un peu du sien, je pense qu’on aurait pu le faire plus tôt.

Est ce que c’est si important que cela la transmission des données personnelles des passagers aériens? Il y a eu des terroristes qui sont rentrés sur le sol européen par d’autres moyens,en passant les îles grecques?

On sait pour certains qu’ils sont passés par Lesbos. Pour les autres on ne sait pas. Vous ne savez pas.  Moi je vous ai dit ce n’est pas la panacée, ce n’est pas la réponse unique. Mais c’est le signal, que oui, il va y avoir des coopérations beaucoup plus importantes. Vous savez très bien que les terroristes se jouent des règles différentes et des frontières où ils peuvent passer. Donc il faut une coopération. Il faut par exemple un contrôle des frontières. Je travaille là dessus et j’espère qu’on va vraiment maintenant décider qu’à chaque frontière extérieure de l’Union Européenne, on contrôlera pas seulement les ressortissants étrangers qui viennent dans l’Union Européenne, mais aussi les ressortissants européens à leur sortie et à leur rentrée. De même il va falloir qu’on mette en place enfin les gardes côtes, les gardes frontières dont nous parlons depuis longtemps. Il faut que l’Europe assume un certain nombre de mesures. Quand on dit l’Europe c’est les chefs d’État et de gouvernements, là aussi il faudrait peut être un peu plus de volonté politique pour avancer vers une Europe qui protège encore plus.

Il n’y aura pas vraiment de contraintes, c’est finalement un texte pour la forme?

Non, ce n’est pas un texte pour la forme. Je trouve que c’est intéressant d’avoir cette possibilité pour les États. Ce texte prévoit que les états qui le veulent, peuvent travailler ensemble. Tous les textes du monde ne remplaceront jamais la volonté politique, ils ne remplaceront jamais la volonté de coopérer entre les gouvernants, mais surtout entre les différents services de gouvernements, c’est tout cela qu’il faut faire.

Un dernier mot sur les réfugiés en Europe, il y a un accord qui a été signé entre l’Union Européenne et la Turquie le 18 mars, est ce que c’est l’outil le plus réaliste pour juguler la crise migratoire en Europe?

Je pense qu’il est normal de parler avec la Turquie parce que c’est une grande puissance voisine et qu’il faut faire une chose, c’est stopper le trafic criminel des passeurs, cela c’est absolument abominable. Mais pour autant, je pense que l’Europe ne doit pas déléguer son droit d’asile qu’elle doit gérer elle même, elle ne doit pas déléguer la surveillance et le contrôle de ses frontières, qu’elle doit gérer elle même enfin.

Est ce que la Turquie est le pays le plus sûr pour les réfugiés, il n’y a pas une crainte qu’on renvoie certains réfugiés syriens en Syrie?

Regardons les choses, il faut qu’on règle la questions syrienne, c’est de là bas que tout vient, la déstabilisation syrienne, la guerre civile, Daesh. Là, il faut aussi que l’Europe soit d’avantage partie prenante. Aujourd’hui en Turquie, il y a à peu près 3 millions de syriens qui vivent certains dans des camps, d’autres en dehors des camps. La réalité c’est qu’ils sont déjà là. C’est pour cela que je crois que l’Europe devait accueillir les réfugiés syriens, mais d’une façon organisée, en faisant les demandes d’asile dans les pays où ils sont aujourd’hui et puis après on donne le droit d’asile ou on ne le donne pas. Le Canada l’a fait, il a fait venir comme cela 25 000 réfugiés par des voies légales. C’est cela l’avenir à mon sens de la politique d’asile.

Merci Marielle de Sarnez d’avoir été notre invitée.

 

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