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« Nous sommes dans un état de déliquescence politique absolue »

Mouvement Démocrate, 17 mars 2015

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À cinq jours du premier tour élections départementales, Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem, a répondu aux questions de Guillaume Durand sur Radio Classique et LCI.

Bonjour à tous. Nous sommes en direct avec Marielle de Sarnez. Vous avez regardé les titres des chaînes d’information et des journaux ce matin : le duel Sarkozy / Valls, est-ce cela les départementales ?

Non. Je trouve que c’est une campagne caricaturale. On passe complètement à côté de la réalité de la campagne. Ce sont des élections locales, pour la gestion des départements, pour l’action sociale… On comprend bien que l’on a un gouvernement impopulaire, donc évidemment cela cristallise les mécontentements à l’occasion des élections. On comprend bien que l’on a un paysage institutionnel local dans un brouillard absolument total – Guillaume Tabard le disait à l’instant et il avait complètement raison –. Tout ceci nous porte à une campagne qui est quasiment régressive, c’est-à-dire que l’on ne parle plus du tout des hommes et des femmes qui sont candidats, d’ailleurs vous avez quasiment interdiction d’en parler par le CSA. On est uniquement sur des affaires partisanes de partis : PS contre UMP, UMP contre PS, arbitrées par le Front National. Si on vit encore comme cela pendant deux ans et demi dans notre pays, ce n’est pas une bonne chose. Ce n’est pas une bonne chose pour la démocratie, ce n’est pas une bonne chose pour les citoyens.

Est-ce que vous croyez que le MoDem a une chance de s’en sortir ou au contraire de disparaître après ces élections ?

Nous allons avoir plusieurs centaines d’élus. Nous n’en avons pas beaucoup aujourd’hui, or nous allons avoir entre 150 et 200 élus – peut-être une ou deux présidences de départements – donc modestement, c’est bien.

Est-ce qu’il est vrai que maintenant le MoDem est repassé à droite ?

Mais on a toujours été au centre ! Je pense profondément que l’organisation de la vie politique française n’est pas satisfaisante. Je pense profondément que la bipolarisation de la vie politique française, droite contre gauche ou gauche contre droite, n’est pas satisfaisante et qu’elle fait monter d’ailleurs le Front National. Donc je pense que oui, il faudra faire bouger les lignes. Je pense que oui pour le pays il faudra – peut-être à la prochaine présidentielle, souhaitons-le – des majorités plus larges pour lui permettre de se réformer. Mais je vous dis clairement que tant que le Parti Socialiste n’aura pas fait son « agendamento » comme l’ont fait la plupart des partis socialistes européens, tant qu’il n’aura pas regardé la réalité en face – peut-être qu’un jour il se coupera en deux comme en Allemagne – rien ne sera possible.

Sur le positionnement du MoDem : après un François Bayrou qui a appelé à voter François Hollande, on voit que tous les candidats du MoDem sont dans des alliances avec l’UMP, il n’y a plus d’alliances avec le Parti Socialiste local.

Il y a eu un ou deux cas chez les sociaux-démocrates, type Dijon aux municipales. Je vous rappelle que moi j’étais en alliance avec Nathalie Kosciusko-Morizet aux dernières municipales. Le MoDem est au Centre, il est pour des alliances larges. Je vous dis une chose : tant que le Parti Socialiste n’aura pas assumé un changement profond, rien ne sera possible avec lui.

Donc alliance avec la droite ?

Donc alliance avec la droite, avec le centre-droit, avec la droite républicaine.

Avouez que c’est une évolution : après que François Bayrou ait appelé à voter François Hollande et maintenant soutenir une coalition qui lui est tout à fait opposée…

Nous ne nous sommes pas reconnus dans Nicolas Sarkozy à la dernière élection présidentielle. Il a déçu beaucoup de ceux qui avaient voté pour lui en 2007 – moi ce n’était pas mon cas –. Il avait en 2007 de l’énergie, il ne s’est pas servi de cette énergie utilement pour le pays. C’est cela que des millions de Français ont sanctionné la dernière fois.

Sauf que maintenant il arrive en meeting un peu partout en stigmatisant François Bayrou, en attaquant le MoDem qui en même temps est son allié… Donc c’est compliqué !

C’est compliqué pour lui. Je pense que quand on a été Président de la République, qu’on aspire probablement à le redevenir, ce type de comportement est très dommageable. Si vous voulez être Président de la République, vous ne commencez pas à stigmatiser les uns, régler vos comptes avec les autres, vouloir jouer la revanche avec le troisième. Il y a quelque chose comme cela chez Nicolas Sarkozy qui ne va pas.

Est-ce que justement dans le contexte départemental que nous évoquons ce matin, il y a un rapprochement possible après les fâcheries violentes d’il y a trois ans ?

Mais on est proche d’un certain nombre de responsables, par exemple d’Alain Juppé. C’est à Nicolas Sarkozy de se positionner intelligemment. S’il a envie d’être dans le clivage permanent, dans le « tu vas voir ce qu’il va se passer, on va régler nos comptes », ou même dans l’esprit de revanche permanent, comme ce que l’on a entendu hier soir pour François Hollande, cela ne fait pas progresser les choses. Ce n’est pas bon pour le pays. Regardez dans quel état nous sommes. On a même été obligé de faire le 49-3 à l’Assemblée pour faire passer cette fameuse loi Macron. On est dans un état de déliquescence politique absolue et je pense qu’il faut des attitudes plus ouvertes et plus responsables.

Est-ce que vous croyez à cet éclatement qui pourrait aboutir à une sorte de coalition Juppé-Bayrou-Valls ?

Je crois que ce serait bon pour le pays d’avoir une majorité large qui aille d’une droite républicaine jusqu’à une partie de la gauche social-démocrate assumée en passant par un centre. Je crois qu’au fond, c’était le rêve de Giscard.

Mais vous y croyez ou c’est une chimère ?

Le rêve de Giscard, c’était deux Français sur trois. Et moi, cela fait plusieurs années, plusieurs décennies, que j’y crois profondément. Regardez depuis 30 ans : à chaque fois, on a un Président de droite ou de gauche, une fois élu grosso modo il ne fait jamais ce qu’il a annoncé qu’il ferait, et donc ces élections ne sont pas utiles. Il n’y a plus d’efficacité publique.

Sur ce thème-là, Giscard a perdu ?

Ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de le faire et pour ne pas créer les conditions de le faire. Je crois que la prochaine fois, c’est la dernière chance d’avoir une élection présidentielle utile au pays, dans tous les cas je me battrai pour cela.

Est-ce que vous considérez que François Bayrou doit y aller si, finalement, Alain Juppé n’y va pas après une primaire perdue ? Ce qui sera quand même très difficile si Alain Juppé perd la primaire et se présente derrière.

D’abord, nous allons tout faire pour, avec nos forces, nos convictions, aider Alain Juppé et faire en sorte qu’il gagne cette primaire. Je pense qu’il y a des Français, des millions de Français, qui sont aussi intéressés et l’attitude de François Bayrou est très claire aujourd’hui. C’est rare chez un homme politique de dire que si quelqu’un se présente, il est prêt à le soutenir. Il est prêt à soutenir Alain Juppé parce qu’il pense que ce serait bon pour le pays et donc je vais m’en tenir là pour aujourd’hui si vous le voulez bien. Nous ferons tout pour qu’Alain Juppé soit candidat.

Nous sommes obligés de nous poser la question.

Oui mais vous êtes déjà à l’étape d’après.

Je vous pose une question sur l’étape d’après qui est une sorte de réflexion politique. François Bayrou a toujours été candidat, pourquoi n’irait-il pas ?

François Bayrou l’a dit, si ce n’est pas Alain Juppé qui sera choisi, il aura toute sa liberté. Nous verrons le moment venu mais pour l’instant, je vous dis, nous allons nous engager à essayer de faire en sorte que, oui, Alain Juppé avec d’autres, ce soit possible.

Manuel Valls a assumé le fait de stigmatiser le Front National. Il considère que c’est le seul moyen de récupérer l’ensemble de la gauche. D’ailleurs, d’une certaine manière, au meeting qui a eu lieu hier dans l’Essonne à Evry, il y avait Emmanuelle Cosse, les frondeurs, Jean-Christophe Cambadélis… Il y avait vraiment beaucoup de monde autour de lui. Est-ce que c’est la seule solution ou est-ce que c’est un drame pour le pays ?

Je pense que le Front National n’est pas la bonne réponse pour le pays, c’est une mauvaise réponse. Simplement, s’il est haut, ils ont tous une part de responsabilité, donc combattre avec des arguments d’autorité ou avec des arguments moraux, je crois que cela ne marche pas. Il faut combattre en changeant la vie des gens, en apportant des réponses à la vie des gens, en retrouvant de l’efficacité publique et politique et c’est pourquoi je crois qu’il faut changer l’organisation de la vie politique française. Je crois que cette organisation-là ne permet pas de répondre, elle ne permet pas d’apporter les réponses, je veux qu’on les apporte et les arguments ne sont pas très probants je pense.

Est-ce que, justement, dans cette réflexion avec Alain Juppé que vous tenez, il y aura l’accession à la proportionnelle ?

Je pense que c’est vital, je pense qu’il faut changer l’organisation de la politique. Vous avez une Assemblée nationale où grosso modo 90 % des députés ne représentent même pas 50 % des Français. Je suis contre le Front National mais comment pouvez-vous considérer qu’il est juste que le Front National ait deux élus alors qu’il représente 25 ou 30 % des Français ? Pareil pour le Centre, pareil peut-être pour d’autres sensibilités. Donc il faut de la proportionnelle. Est-ce que François Hollande le fera avant la fin de son mandat ? C’est une question, on dit qu’il y aura peut-être une petite fenêtre en 2016. En tout cas, oui, il faut changer cette règle-là pour retrouver les fondements d’une vraie démocratie.

Ce sera ma dernière question : pour reprendre tout ce que l’on dit depuis ce matin, est-ce que les départementales jouent un rôle de politique nationale quand nous allons tous nous retrouver lundi matin pour analyser les résultats ?

Vous serez dans le commentaire, évidemment. Le PS dira « On a perdu mais un peu moins que prévu », Nicolas Sarkozy dira « J’ai gagné » alors qu’en fait tout cela est aussi mécanique à chaque élection, le Front National dira « Nous sommes premiers ou quasiment premiers ». Je voudrais que, au moins, au lendemain de cette élection, les choses changent.

Merci Marielle de Sarnez.

 

 

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